"Itinérêves"
photographies
de Gilles Vannier
"Sur
les chemins du rêve, oser partir et découvrir. Pas à pas,
cueillir des images, de temps à autres, savoir prendre la pause pour
contempler. S'émerveiller de petits riens, à la recherche de l'insolite,
de l'irréel, de l'impossible qui se laisse voir. Notre regard est fait
pour ça, pour sublimer notre ordinaire. Laissons-le donc vagabonder,
tout à son rythme, où bon lui semblera d'aller."

J'ai
plongé dans la photographie dès mon plus jeune âge (8-9
ans) grâce à un petit appareil photo du genre toy camera que l'on
m'avait offert à l'époque. Je me souviens que chaque photo était
voilée par la lumière qui s'infiltrait par la fermeture du capot
arrière, celui-ci n'étant sans doute pas très étanche.
Mais peu importe, le plaisir était là. Pour moi, le simple fait
de photographier et ensuite de voir l'image tirée sur papier relevait
de la magie. Comment cela était-il possible ? La pratique de la photographie
fait donc partie depuis bien longtemps de mes arts de vivre. Au fil du temps,
l'appareil photo est devenu comme une partie de moi. Il permet à mon
regard de s'exprimer comme d'autres le font par la parole, l'écriture,
le dessin, la peinture, le théâtre... les moyens ne manquant pas
pour combler les désirs de tout un chacun. Bien plus tard, j'ai découvert
le plaisir de développer moi-même mes négatifs puis de les
tirer sur papier. Et là, la chambre noire du laboratoire m'a révélé
toute sa magie. On entre dans son espace comme on entrerait dans un endroit
qui tient du sacré. On y est déconnecté du monde extérieur.
D'abord, il y fait sombre. Dans l'obscurité on vit différemment
: nos sens sont plus en éveil, les gestes plus étudiés
et le temps y exerce moins son emprise. Et puis, il y a cette étape oh
combien magique qui est cette phase où l'image latente va enfin se révéler
dans le bain...du révélateur. C'est un moment que je n'ai jamais
pu vivre sans avoir le cœur qui s'emballe. Les années n'y ont rien
changé et c'est fort bien comme cela. Tous ceux qui ont eu la chance
de passer par cette étape ne peuvent oublier l'intensité des instants
vécus dans ce lieu à ce moment. A tout cela vient s'ajouter une
étape cruciale dans l'élaboration d'une photo: le travail d'interprétation
du négatif qui donnera (ou pas !) au tirage ses lettres de noblesse.
C'est une des raisons pour laquelle bien des photographes de renom ont apporté
une grande importance quant au choix de leur tireur/euse. Il en découle
souvent, une grande complicité entre eux. Si pour des raisons de confort
personnel, (la pratique du labo ayant aussi son côté énergivore)
je suis passé au numérique, toutes ces années (plus de
30) qui m'ont vu collaborer avec mon complice l'agrandisseur font que je pratique
toujours comme je le faisais dans mon laboratoire, en apportant le même
regard sur le travail à effectuer. Seuls la technique et les outils ont
changé. En effet, l'outil informatique permet tout à fait cela
à condition bien sûr d'avoir les mêmes exigences dans l'intégralité
du processus de son travail photographique. Bref, le numérique ne m'a
rien enlevé du plaisir de photographier, bien au contraire. Il m'a soulagé
de certaines tâches que je trouve plus dures aujourd'hui. Il est en effet
très facile de passer des heures, des jours, voire pour certains des
nuits dans son labo. Mais au final, peu importe la technique, seule compte l'image
révélée et ce qui peut s'en dégager. Pour l'occasion,
j'ai demandé très humblement à mes tirages de bien vouloir
s'embellir d'une certaine poésie.